[Source : AFP]
Marcel Pinte aura, 66 ans après sa mort, son nom gravé sur le monument aux morts d’Aixe-sur-Vienne, près de Limoges.
Marcel Pinte, dit Quinquin, qui portait des messages au maquis sous sa chemise et est « mort pour la France » en 1944 à l’âge de 6 ans, aura mercredi pour la première fois son nom gravé sur le monument aux morts d’Aixe-sur-Vienne (Haute-Vienne), près de Limoges.
Une cérémonie rendra hommage à celui qui est considéré comme le plus jeune résistant de France grâce aux recherches et démarches récentes d’un membre de sa famille, Alexandre Brémaud, 28 ans. Avec Marc Pinte, 68 ans, un autre proche, il en raconte l’histoire que les Pinte, par « pudeur », évoquaient peu.
En 1943, Eugène Pinte, le père de Marcel, est le commandant « Athos », une figure de la résistance limousine qui aura à la Libération jusqu’à 1.200 combattants sous ses ordres.
Il possède une couverture idéale : un emploi dans le centre de démobilisation à Limoges où les ouvriers revenant d’Allemagne « favorables à la Résistance » sont recrutés.
L’ancien officier, « patriote » décrit comme un homme charismatique, « bénéficie de la complicité de son supérieur, passe très peu de temps dans son bureau, possède un véhicule, un laissez-passer, peut inventer de faux ordres de missions, a accès à des papiers officiels et peut ainsi procurer à qui en a besoin des fausses identités », dit M. Brémaud.
Il forme dès 1941 son premier « corps franc » avec une quarantaine d’habitants résistants dans le hameau de la Gaubertie, où il loue une petite ferme avec sa famille.
En 1942, des contacts sont établis avec l’Armée Secrète puis début 1943 avec l’Organisation de résistance de l’Armée (ORA).
Les Pinte, Eugène et Paule son épouse, leurs cinq enfants, vivent au rythme des réunions clandestines au sein même de la ferme. « Un endroit dissimulé, très difficile d’accès. Les chefs de maquis, le COPA (opérations aériennes), l’Etat-major de l’ORA, tout le monde trouve bien plus pratique et discret de se réunir à la Gaubertie » qu’à Limoges.
Dans cette ambiance où vie de famille et résistance sont étroitement mêlées, Marcel, surnommé Quinquin en raison des origines nordistes de la famille, observe, fasciné, brûlant de vouloir participer. « Au départ, il a dû prendre ça pour un jeu. Mais il a vite compris que c’était risqué », poursuit Marc Pinte.
Il se souvient du témoignage de son père, fils du commandant Athos. « Marcel avait le contact facile avec les adultes, passait du temps avec eux dans les bois, apprend les chants des maquisards.
Tout le monde était surpris de le voir s’impliquer comme ça. Chez les Pinte, il était impossible de dormir la nuit, il y avait des mouvements perpétuels de gens, du remue-ménage toute la nuit, un parachutiste anglais caché dans le grenier, des allers et venues incessantes, des réunions régulières. Le gamin a été naturellement impliqué dans des missions à hauteur de son âge et de ses capacités.
Il a surpris énormément de gens par son étonnante mémoire. Il portait des messages aux chefs de maquis en les cachant sous sa chemise, glanait des renseignements quand il partait en promenade ou à l’école, s’amusait avec une lampe électrique à faire du morse. C’était un garçon malin, intelligent à qui tout le monde faisait confiance, il comprenait tout du premier coup. Naturellement, il passait inaperçu, personne ne faisait attention à un gosse ».
Près de la Gaubertie, des parachutages sont organisés de nuit dont l’un, le 19 août 1944, au lendemain d’une bataille à Aixe.
Ce jour-là , les résistants sont nombreux à être armés. Marcel a, comme toujours, suivi sa famille. Un tir de Sten, pistolet mitrailleur réputé sensible, se déclenche accidentellement. Quinquin s’écroule, touché de plusieurs balles. Un faux certificat de décès sera délivré par un médecin.
« Le 21 août, quelques heures avant la Libération de Limoges, il est enterré avec les honneurs en présence de nombreux bataillons. Le cercueil est recouvert d’un drapeau tricolore ».
L’émotion est immense. Début septembre, des aviateurs anglais effectuent un dernier parachutage d’armes en utilisant des toiles noires, en hommage à Marcel.
Eugène Pinte est mort en 1951, à 49 ans, enterré au côté de son fils au cimetière d’Aixe.